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FIOR D’ALIZA.

avait fait prendre une proie pour une autre, l’amenèrent enchaînée à Lucques, où les juges ne purent pas moins faire que de la condamner, tout en l’admirant.

Elle est en prison pour cinq ans et elle y nourrit de son lait, mêlé de ses larmes, le petit brigand qu’elle a mis au monde six mois après la fuite de son mari ; son crime, c’est d’être née dans un mauvais village et d’avoir vécu en compagnie de mauvaises gens ; mais ce qu’elle a fait pour un bandit qui l’aimait, si elle l’avait fait pour un honnête homme, au lieu d’être un crime, ne serait-ce pas une belle action ?

CLXXXII

Il ne me fut pas difficile d’en convenir, car je portais déjà envie, dans mon cœur, au dévouement de ma prisonnière ; en passant devant sa loge, je jetai sur elle un regard de respect et de compassion.

— Pour celui-là me dit le bargello, il a tiré sur les chevreuils de monseigneur le duc dans la forêt réservée à ses chasses ; mais sa femme, exténuée par la faim, n’avait, dit-on, plus de lait pour allaiter les deux jumeaux qui suçaient à vide ses mamelles taries de misère. C’est bien un voleur, si vous voulez, les juges ont bien fait de le punir, lui-même ne dit pas non, mais ce vol-là pourtant, qui est-ce qui ne le ferait pas, si on se trouvait dans la même an-