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CHAPITRE V.

CLXXIII

Tout cela était vrai encore. Mais je ne disais pas mon pays ni la raison qui m’avait fait prendre un habit d’homme, ni le meurtre d’un sbire qui avait jeter mon cousin dans quelque prison.

La bonne femme, me croyant vraiment des Abruzzes, ne me demanda même pas le nom de mon village.

— Est-ce que tu n’aimerais pas mieux, mon pauvre garçon, continua-t-elle, entrer en service chez des braves gens que de courir ainsi les chemins, au risque d’y perdre ton âme a vendre du vent aux oisifs des carrefours ?

— Oh ! oui, que je l’aimerais bien mieux ! lui répondis-je, toute rouge de l’idée qu’elle allait peut-être me proposer la place du gendre qui venait de la quitter, et pensant à toutes les occasions que j’aurais ainsi de voir, d’entendre et de servir celui que je cherchais.

— Eh bien ! me dit-elle avec plus de bonté encore, et comme si elle avait parlé à un de ses fils (mais elle n’en avait jamais eu), en bien ! craindrais-tu de prendre service chez nous parce que nous sommes geôliers de la prison du duché, dont tu vois la cour par cette fenêtre, et parce que le monde méprise, bien à tort quelquefois, ceux qui portent le trousseau de clefs à la ceinture,