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FIOR D’ALIZA.

metière où une fosse, toute creusée d’avance, attendait un assassin condamné à mort ; puis deux vieillards expirant de misère et de faim à côté de leur pauvre chien blessé dans notre cahute de la montagne, puis des ruisseaux de larmes sur des taches de sang qui noyaient toutes mes idées dans un déluge d’angoisses.

Que vouliez-vous que je pusse dormir, au milieu de tout cela, mon père et ma tante ? Je me décidai plutôt à rouvrir les yeux et à prier et a pleurer, toute la nuit, au pied du lit, le front sur la zampogne et les mains jointes sur mon front brûlant. C’est ce que je fis, monsieur, jusqu’à ce qu’un bruit singulier, que je n’avais jamais entendu auparavant, monta du bas de la cour de la prison jusqu’à la meurtrière qui me servait de fenêtre, et que ce bruit me fit me dresser sur mes pieds, comme en sursaut, quand on se réveille d’un mauvais rêve.

CLXII

Et qu’est-ce que c’était donc que ce bruit sinistre, me direz-vous, qui montait si haut jusqu’à ton oreille à travers la lucarne de la tour ? C’était un bruit de ferraille qu’on aurait remuée dans un grenier ou dans une cave, un cliquetis de gros anneaux de métal qui se dérouleraient sur des dalles de pierres, un frôlement de chaînes contre les murs d’une prison, et, de temps en temps, les gémisse-