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FIOR D’ALIZA.

gello et sa femme avaient un vilain métier, mais c’étaient de bonnes gens.

CLV

La foule de leurs amis se pressait à la porte de la ville ; on sortait de toutes les maisons et de toutes les boutiques pour leur faire fête : les fenêtres étaient garnies de jeunes filles et de jeunes garçons qui jetaient des œillets rouges sur les pas des bœufs, sur le ménétrier et sur le char ; nous en étions tout couverts ; on battait des mains et on criait : Bravo ! pifferaro.

À chaque air nouveau qui sortait, avec des variations improvisées, sous mes doigts, cela m’excitait, monsieur, et je crois bien qu’après l’air au pied de la Madone, je n’ai jamais joué si juste et si fort de ma vie. Ah ! c’est que, voyez-vous, il y a un dieu pour les musiciens, monsieur ! Ce dieu, c’est la foule ; quand elle est contente, ils sont inspirés ; j’étais au-dessus de moi-même, ivre, folle, quoi ! Chacun me tendait une fiasque de vin ou un verre de rosolio ; on m’attachait une giroflée et ma zampogne ou un ruban à ma veste pour me témoigner le contentement.

Quand nous arrivâmes à la sombre porte à clous de fer du bargello, tout à côté de l’énorme porte de la prison, et que les bœufs s’arrêtèrent, je ressemblais à une Madone