pour découdre d’un coup de canif cette fiançaille entre ces enfants, qui ne savent pas même ce que fiançaille veut dire.
Jusqu’ici j’ai méprisé le mariage, je suis arrivé à quarante ans sans que mon cœur ait battu plus vite d’une pulsation à la vue d’une femme, veuve ou fille, contadine de village ou dame de la ville ; mais l’âge vient, je suis libre, je suis riche. Chacun à son heure, il faut faire une fin. Une belle fille à la maison, c’est une fin de l’homme ; la voila mûre bientôt, et moi encore assez vert. C’est à San Stefano que je dois d’avoir changé d’idée. J’allais y chercher le bon Dieu et j’y ai trouvé le diable sous la figure d’un ange. Allons, Bartholomeo del Calamayo, arrangez-moi cela avec votre bec de plume ; je vois bien que ce sera difficile, si ces enfants savent déjà s’aimer ; mais vous en savez plus que l’amour, astucieux paglietta (chicaneur) que vous êtes ; imaginez-moi quelque bon filet de votre métier pour faire tomber cette chevrette des bois dans ma carnassière. N’ayez pas peur, Bartholomeo, mon compère ; l’argent, s’il en faut, ne vous manquera pas, le crédit non plus ; je suis l’ami du camérier du duc ; les juges de Lucques ne peuvent pas exécuter un de leurs arrêts sans moi ; le chef de la police du duché a épousé la fille de ma sœur ; tous les sbires de la campagne sont sous mes ordres ; c’est moi qui préserve contre les braconniers les chasses du souverain ; on m’aime et l’on me craint partout ; là-haut et là-bas, comme un grand inquisiteur des forêts du duché. À