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FIOR D’ALIZA.

comme une sœur et un frère. Sans rien nous dire, nous nous proposions de les marier quand ils auraient l’âge et l’envie de s’aimer autrement.

Comment ne se seraient-ils pas aimés ? ils ne voyaient jamais d’autres enfants de leur âge ; ils n’avaient qu’un même nid dans la montagne, et un même sang dans le cœur, un même souffle dans la poitrine, un même air sur le visage ! Leurs jeux et leurs rires sur le seuil de la cabane, les jours de fête, en revenant de la messe des Ermites aux Camaldules du couvent, faisaient la gaieté de la semaine ; les feuilles des bois en tremblaient d’aise, et le soleil en luisait et en chauffait mieux sur l’herbe au pied du châtaignier.

Hyeronimo me rappelait tant mon mari par ses boucles noires, sous son bonnet de laine brune ! Antonio ne pouvait pas aussi bien voir sa fille à cause du voile qu’il a sur ses pauvres yeux ; mais quand il entendait l’éclat de sa voix, à la fois tendre, joyeuse et argentine, comme les gouttes de notre source, quand elles résonnent en tombant des tiges d’herbes dans le bassin, il croyait entendre sa pauvre défunte, ma sœur.

— Comment est-elle ? me demandait-il quelquefois. A-t-elle un petit front lisse comme une coupe de lait bordée de mouches ?

— Oui, lui répondais-je, avec des sourcils de duvet noir qui commencent a lui masquer un peu les yeux.

— A-t-elle des cheveux comme la peau de châtaigne