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FIOR D’ALIZA.

Lui et son frère, qui est mort jeune, et qui était mon mari, s’occupaient l’hiver, comme avaient fait leurs pères et leurs oncles, à façonner des zampognes, que les bergers de la campagne de Sienne, des Maremmes, et des Abruzzes, leur achetaient dans la saison des moissons, quand ils allaient se louer, pour les récoltes, aux riches propriétaires de ces pays, pour rapporter de quoi vivre l’hiver à la cabane.

On dit que les Calabrais eux-mêmes n’en fabriquent pas de plus sonores et de plus savantes que nous.

Mon mari taillait les chalumeaux, creusés et percés de dix trous, autant que de doigts dans les mains, avec une embouchure pour le souffle ; il choisissait, pour ces hautbois attachés à l’outre de peau de chevreau, des racines de buis bien saines et bien séchées pendant trois étés au soleil.

Son frère Antonio coupait et cousait les outres et le soufflet qui donne le vent et la zampogne. Il laissait le poil du chevreau en dehors sur la peau, afin qu’elle gardât mieux le son et que la pluie glissât dessus, comme sur la petite bête, sans l’amollir, et de plus c’était lui qui en jouait le mieux et qui essayait l’instrument en le corrigeant jusqu’a ce que l’air sortît aussi juste que la voix sort des ténèbres.

— Tiens, ma fille, dit-elle à sa nièce en s’interrompant, ouvre donc le coffre de bois, et montre à l’étranger les trois dernières zampognes qu’ils ont fabriquées ainsi avant la mort de mon pauvre mari.

Ah ! monsieur, ajouta la vieille femme pendant que Fior