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FIOR D’ALIZA.

trop d’angoisse. Je suis jeune encore, mais j’ai toujours aimé, dès mon enfance, à pleurer avec ceux qui pleurent, plus qu’à rire avec ceux qui rient ; si vous ne voulez pas me dire toute l’histoire aujourd’hui, vous me la direz demain car je n’ai rien qui me presse, et si j’étais pressé, quelque chose encore me retiendrait ici que je ne puis pas définir.

En parlant ainsi, je jetai involontairement un coup d’œil à la dérobée sur l’angélique figure de la jeune mère, qui était allée donner le sein à son enfant sur le seuil de la cabane. Jamais beauté si pure et si rayonnante n’avait fasciné mes yeux : une apparition du ciel à travers le cristal de l’air des montagnes, la fraîcheur du matin, un fruit d’été sur une branche, une joie céleste à travers une larme, une larme d’enfant devenue perle en tombant des cils ; puis ces quatre âges de la vie sous un même arbre : l’aïeule, le père, la jeune épouse, l’enfant à la mamelle ; ces pauvres animaux domestiques : le chien, les chèvres, les colombes, les poussins sous l’aile de la poule, les lézards courant avec un léger bruit sous les feuilles sèches du toit. Cette scène me fascinait.

Nous soupâmes.