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CHAPITRE III.

dit le vieillard ; c’est mon fils et mon apprenti. Il est en mer.

— Est-il donc matelot ? demandai-je.

— Oh ! non, monsieur ; il l’est et il ne l’est pas. Mais ce serait trop long a vous raconter ; vous devez avoir besoin de dormir. Ah ! le pauvre garçon, il aime trop le châtaignier pour cela.

— Mais, à propos de châtaignier, dis-je, comment se fait-il que, si vous aimez tant de père en fils cet arbre nourricier de la famille, vous ayez creusé à coups de hache dans son tronc ce grand creux où l’on voit encore l’empreinte du fer dont vous l’avez si cruellement frappé, au risque de le faire écrouler avec son dôme immense et ses branches étendues sur votre chaumière ?

— Ah ! c’est une longue et triste histoire, monsieur, me dirent-ils tous à la fois ; le bon Dieu et la Madone l’ont sauvé par miracle, et il nous a sauvés avec lui, mais cela n’importe pas plus que le nid de corneilles qui a été sauvé, ce soir-là, avec l’arbre, et dont les petits seraient tombés à terre avec lui. N’en parlons plus ; cela nous ferait trop serrer le cœur.

LIX

— Non, non ! dis-je avec une curiosité qui venait de bonne intention, parlons-en, à moins que cela ne vous fasse