Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 41.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
103
CHAPITRE III.

LVII

Après les premiers compliments et les premières excuses, ces braves gens, chez qui tout respirait un air d’indigence, mais un air de fête, m’offrirent, sur une table de bois très-propre, un repas champêtre ; de belles châtaignes conservées en automne dans leur seconde écorce et bouillies dans du lait de chèvre, du fromage, du pain de couvent très-blanc et très-savoureux, de l’eau de la source. J’avais une gourde dans mon havre sac, j’en voulus faire goûter à la jeune mère ; elle y trempa ses lèvres avec complaisance, et, les détournant bientôt avec répugnance :

— Je n’ai jamais bu que de l’eau, dit-elle, cela aigrirait le lait de mon enfant.

Je n’osai pas l’interroger sur sa maternité précoce ; mais on voyait qu’elle n’avait pas à rougir. Le vieillard but à sa place.

— Il y a longtemps que j’en ai perdu le goût, dit-il.

— Vous n’êtes donc pas riches ? lui dis-je.

— Oh ! non, dit-il, mais nous ne sommes pas pauvres.

— Oh ! nous l’avons été, s’écria la mère.

— Oh ! oui, reprit la jeune femme, nous l’avons été ; tenez, regardez ce champ de maïs, ce petit enclos où les vignes et les figuiers rampent contre les pierres grises, qui