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CHAPITRE PREMIER.

VI

La marquise de La Pierre, son amie, et ses filles étaient venues s’établir pour quelques semaines aux bains d’Aix, en Savoie. J’y étais moi-même et je logeais dans une maison peu éloignée de celle que ces dames habitaient. J’y venais, presque tous les jours, passer la soirée comme en famille. L’hôte de la marquise était un excellent et pieux vieillard, nommé M. Perret, qui, pour accroître son modique revenu et pour gagner, l’été, le pain de l’hiver, louait, pendant la belle saison, quelques chambres garnies et tenait à bon marché une pension gouvernée par ses deux sœurs. Ce vieillard simple et respectable, dont la vie ascétique avait écrit la macération sur sa pâle figure, passait sa vie en solitude et en prière dans une chambre haute de sa maison. Il vivait entièrement étranger aux tracas d’une maison publique, comme un ermite dans sa cellule, au milieu du bruit qui ne l’atteint pas. C’était un véritable saint qui, par modestie, s’était refusé la prêtrise, et qui passait sa vie recueillie entre la contemplation et l’étude des merveilles de Dieu dans sa création. Le saint était botaniste. On le voyait tous les matins, après avoir entendu la messe, gravir seul, sans chapeau, des portefeuilles sous le bras, des filets à prendre des insectes à la main, les