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première époque.

1er juin 1786.

Dieu m’a récompensé : ce fut hier le jour
Où le Seigneur bénit l’innocence et l’amour.
De ma sœur et d’Ernest cette sainte journée
A dans la main de Dieu mêlé la destinée.
Les voilà dans la paix se possédant tous deux.
Quel éclat de bonheur rayonnait autour d’eux !
On eût dit qu’à l’autel, se dévoilant d’avance,
Tous les jours fortunés d’une longue existence,
Tous les chastes plaisirs d’une pure union,
Au flambeau de leur noce apportaient un rayon,
Et, sur leurs fronts sereins concentrant leurs prémices,
Prodiguaient en un jour un siècle de délices.
Avant l’heure où blanchit le premier horizon,
Quelle nouvelle vie animait la maison !
Tous les volets fermés, hélas ! depuis cette heure
Où mon père en sortit pour une autre demeure ;
Ces portes qui du maître encor gardaient le deuil,
Et dont les fleurs jonchaient dès le matin le seuil,
Semblaient, prenant une âme et sentant cet emblème,
Tressaillir sur leurs gonds et s’ouvrir d’elles-même,
Pour accueillir, après un long exil rendu,
Le bonheur, comme un hôte au foyer attendu.
La musique élevant sa voix par intervalle ;
Les pas des serviteurs courant de salle en salle ;
Les parents, les amis, arrivant deux à deux,
Les mains pleines de dons et les cœurs pleins de vœux ;