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source qu’il dirigeait, les pots de fleurs qu’il soignait l’été au jardin, et qu’il abritait l’hiver dans sa chambre, des hirondelles même dont il respectait les nids sur les corniches du chœur, et qui ne le retrouveraient plus au printemps prochain.

Dans ces conversations la pauvre fille ne me parlait jamais d’elle. Elle paraissait s’inquiéter bien plus de ce que deviendraient le chien, les oiseaux, les meubles, les plantes, que de ce qu’elle deviendrait elle-même. Peut-être pensait-elle que le nouveau curé la prendrait à son service comme le sonneur ou l’enfant de chœur de Jocelyn, ou que quelqu’une des familles du village la recueillerait pour être sarcleuse, et lui donnerait le pain et l’asile gratuit dans l’étable des vaches ou des moutons.

Elle avait un petit mobilier à elle, consistant dans un coffre à tiroirs en bois de noyer que je la voyais ouvrir quelquefois, et qui contenait un peu de linge, ce trésor des servantes, sa robe de dimanche, et une petite écuelle de porcelaine cassée, pleine de petites monnaies d’argent, de gros sous, d’un collier de grains de jais enfilés par un fil de cuivre, de deux ou trois bagues d’or qui lui venaient de sa mère, et d’un beau chapelet de noyaux de cerises sculptés à jour par un chartreux, que l’évêque lui avait donné en passant quelques jours dans la cure de Valneige pendant sa visite pastorale. Le tout pouvait valoir dix écus : c’était là toute sa richesse. Elle la regardait souvent avec une complaisance visible dans la physionomie. Mais depuis que Jocelyn était mort, et qu’elle n’avait plus la bourse et le pain du prêtre à donner en son nom, elle puisait assez souvent dans sa coupe, et les gros sous diminuaient sensiblement.

Le sort de cette pauvre fille m’inquiétait ; car je n’étais