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entretien

nature a fait plus que des hommes libres, des enfants, des fils, des frères, des amis d’adoption. J’ai dit : Honorez le domestique, vous fortifiez la famille, ce pivot de toute démocratie morale ; car le domestique est à la famille ce que la cour intérieure est à la maison.

Voulez-vous donner des millions de voix à la sainte influence de la famille ? Voulez-vous que vos élections soient inspirées par l’esprit de la famille ? Voulez-vous que les instincts de considération prévalent sur l’esprit de désordre ? Voulez-vous contre-balancer, par un suffrage réfléchi, religieux, coïntéressé au sol et aux mœurs, les suffrages irréfléchis, turbulents, tumultueux de ces masses flottantes qui fermentent ou divaguent sur la surface de vos populations ? Voulez-vous faire plus ? Voulez-vous mettre du cœur dans vos institutions électorales, et donner au sentiment le rôle qu’il a dans la nature humaine et qu’il doit avoir dans une législation populaire ? Donnez le suffrage aux domestiques. Vous donnerez ainsi dix voix pour une au père ou au chef de famille ; vous donnerez une voix aux femmes, aux vieillards, aux enfants, à la propriété, aux mœurs, aux habitudes, une voix à la maison ! C’est le suffrage électoral donné aux habitués du foyer qui sera le salutaire correctif des abus et des égarements du suffrage universel dépaysé. Si l’aristocratie antique ne l’a pas compris, c’est qu’elle n’avait que des esclaves ; si la féodalité ne l’a pas compris, c’est qu’elle n’avait que des serfs, et que nous, nous avons une domesticité libre, c’est-à-dire des serviteurs, des hommes et des femmes greffés sur le tronc de la famille par la cohabitation, par l’attachement mutuel, par la fidélité, égale souvent à celle des filles ou des fils. Car s’il y a des liens dans le sang, il y en a de presque aussi forts dans la flamme du même foyer.

La domesticité, dans le moyen âge, donna les mêmes