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notes.

en blé, en pain ou en autres aliments, l’équivalent de la consommation d’un homme, soit trois cents kilogrammes de pain par an : ces trois cents kilogrammes coûtant cent vingt francs, c’est donc une consommation de cent vingt francs payée par un salaire de cent vingt francs, et produisant pour cent vingt francs de travail que donne au pays l’entretien de ces six chiens. Où vont ces cent vingt francs ? ils vont de la main du maître des chiens dans celle du boulanger, du meunier, du moissonneur, du semeur, du laboureur, et produisent ainsi, juste en salaire, la somme nécessaire à la nourriture d’un homme qui, sans ces chiens, objets de luxe, selon vous, n’existerait pas. Et ne dites pas que si ces six chiens ne consommaient pas, le blé qui les nourrit existerait toujours, et que le travail qui fait récolter ce blé aurait toujours lieu. Vous savez bien que le laboureur ne laboure pas pour le plaisir de labourer ; qu’il ne sème et ne moissonne que ce qu’il peut vendre son prix ; et que si ce prix ne lui était pas promis par la consommation et payé par le salaire, il ne labourerait pas. Multipliez cette vérité par les cinq ou six cent mille chiens qui existent en France, et vous vous convaincrez qu’ils sont l’occasion, la cause, le mobile d’un produit, d’un travail et d’un salaire cent mille fois plus élevé que les cent vingt francs que j’ai pris pour exemple, et qu’ils motivent ainsi le travail, le salaire, l’existence d’une masse considérable d’ouvriers de la terre. Vous voyez donc que ce luxe, bien loin d’être au détriment du peuple, lui profite, et fait produire ce qui ne serait pas produit sans ce luxe. Ou plutôt, aux yeux du véritable économiste, le luxe est un vain mot ; il n’y a du luxe que relativement aux facultés de l’individu qui dépense trop ou trop peu pour sa fortune. Mais quant à l’État tout entier, il n’y a pas de luxe, il n’y a que de la dépense. Tout ce qu’on dépense est bien dépensé ; plus il y a de dépense, plus il y a de travail ; plus il y a de travail, plus il y a de salaire ; plus il y a de salaire, plus il y a d’aisance ; plus il y a d’aisance, plus il y a de population. Que cela vienne du ver à soie, du cheval ou du chien, peu importe ; la richesse augmente, le sol se cultive, l’homme et l’animal consomment, et le pauvre vit. Eh ! que vont donc chercher aujourd’hui les Anglais, les Français, tous les peuples industriels, à travers l’océan et à travers la guerre, si ce n’est des consommateurs payant le prix de la denrée produite et multipliant le salaire avec le travail ?

Maintenant, serait-il vrai que cet impôt portât spécialement sur le riche, et vînt en dégrèvement au pauvre pour rétablir l’égalité, le niveau que nous désirons tous ? Ah ! si cela était vrai ; si vous