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notes.

Hélas ! et je languis encore dans mon cachot ! misérable trou de muraille, où la douce lumière du ciel ne peut pénétrer qu’avec peine à travers ces vitrages peints, à travers cet amas de livres poudreux et vermoulus, et de papiers entassés jusqu’à la voûte. Je n’aperçois autour de moi que verres, boîtes, instruments, meubles pourris, héritage de mes ancêtres… Et c’est là ton monde, et cela s’appelle un monde !

Et tu demandes encore pourquoi ton cœur se serre dans ta poitrine avec inquiétude ; pourquoi une douleur secrète entrave en toi tous les mouvements de la vie ! Tu le demandes !… Et, au lieu de la nature vivante dans laquelle Dieu t’a créé, tu n’es environné que de fumée et de moisissure, dépouilles d’animaux et ossements de morts.

Délivre-toi, lance-toi dans l’espace ! Le livre mystérieux, tout écrit de la main de Nostradamus, ne suffit-il pas pour te conduire ? Tu pourras connaître alors le cours des astres ; alors, si la nature daigne t’instruire, l’énergie de l’âme te sera communiquée comme un esprit à un autre esprit. C’est en vain que, par un sens aride, tu voudrais ici t’expliquer les signes divins… Esprits qui nagez près de moi, répondez-moi, si vous m’entendez ! (Il frappe le livre, et considère le signe du Macrocosme.) Ah ! quelle extase, à cette vue, s’empare de tout mon être ! Je crois sentir une vie nouvelle, sainte et bouillante, circuler dans mes nerfs et dans mes veines. Sont-ils tracés par la main d’un dieu, ces caractères qui apaisent les douleurs de mon âme, enivrent de joie mon pauvre cœur, et dévoilent autour de moi les formes mystérieuses de la nature ? Suis-je moi-même un dieu ? Tout me devient clair dans ces simples traits, le monde révèle à mon âme tout le mouvement de sa vie, toute l’énergie de sa création. Déjà je reconnais la vérité des paroles du sage : « Le monde des esprits n’est point fermé ; ton sens est assoupi, ton cœur est mort. Lève-toi, disciple, et va baigner infatigablement ton sein mortel dans les rayons pourpres de l’aurore !  » (Il regarde le signe.) Comme tout se meurt dans l’univers ! comme tout l’un dans l’autre agit, et vit de la même existence ! comme les puissances célestes montent et descendent, en se passant de mains en mains des seaux d’or ! Du ciel à la terre elles répandent une rosée qui rafraîchit le sol aride, et l’agitation de leurs ailes remplit les espaces sonores d’une ineffable harmonie.

Quel spectacle ! mais, hélas ! ce n’est qu’un spectacle ! Où te saisir, nature infinie ? Ne pourrai-je donc presser tes mamelles, où le ciel et la terre demeurent suspendus ? Je voudrais m’abreu-