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notes.

premier travail, l’un d’eux, s’en saisissant par une de ses extrémités, la lança violemment et avec justesse contre la crevasse. La corde, ainsi jetée, alla se prendre dans un anneau de fer auquel je n’avais pas pris garde, et qui était vissé solidement dans la pierre ; quand elle retomba, elle était retenue par son milieu dans l’anneau, et nous offrait ainsi, pour faire le siége de la grotte, un moyen sinon bien commode, du moins à peu près praticable ; il ne s’agissait que de se hisser par elle jusqu’à la hauteur de la brèche. Celui qui avait lancé la corde, et qui n’en était pas à son coup d’essai, nous montra le chemin, et bientôt l’épreuve avait complètement réussi : nous étions tous dans les flancs de la grotte, dont l’entrée, qui m’avait paru si étroite, sembla s’agrandir pour nous livrer passage.

» La grotte est divisée en deux étages bien distincts ; on pénètre dans le second au moyen d’une espèce de trappe à laquelle conduisent plusieurs énormes pierres simulant des escaliers. Chaque étage se compose lui-même d’une grande chambre et d’une plus petite. De longues poutres en bois, qui les traversent dans toute leur longueur, indiquent que la nature n’a pas seule travaillé à la création de cette grotte, et que la main des hommes, dans un temps qu’il est impossible d’assigner d’une manière fixe, lui est venue en aide. Des tronçons d’armes et d’outils en fer, ainsi que quelques vases en poterie de forme grossière, ont aussi été trouvés dans ces lieux, et témoignent qu’ils ont été pour un homme, pour une famille peut-être, un refuge au moins momentané. Que ce fait ait eu lieu à une époque bien reculée, que cette grotte ait été la retraite d’un habitant de Cularo fuyant la domination romaine, ou s’abritant contre la prescription d’un proconsul, ou bien qu’il se soit passé dans le temps plus rapproché des guerres de religion, c’est ce que personne ne saurait dire ; et le champ si vaste des suppositions reste ouvert à tout le monde. Les parois de la grotte sont très-unies, et en somme elle n’offre rien de remarquable, si ce n’est son étendue, sa distribution, et l’abri qu’elle offre contre l’humidité. Les pluies de la montagne ne vont pas jusqu’à elle. Après l’avoir longuement examinée sous toutes ses faces et dans toutes ses parties, nous revînmes à l’entrée, d’où nous vîmes, au pied de la montagne et tout près de nous, une autre grotte entièrement faite de la main des hommes ; c’est celle par laquelle Napoléon fit passer la grande route qui conduit de France en Savoie ; elle a un quart de lieue de long, et s’appelle la grotte des Échelles. Nous formâmes le projet d’aller la voir le lendemain. La faim