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notes.

ser l’eau s’échapper dans le bassin ; et, bientôt emportés par nos cavaliers, qui se souciaient peu de s’arrêter longtemps devant ces objets qu’ils voyaient chaque jour, nous arrivâmes vers la partie haute de la ville, appelée la Halle. C’est là le berceau de Voiron. D’abord c’est un petit village auquel on n’ose encore donner un nom, et que tient emprisonné le comte de Sermorent ; puis il devient un petit bourg ; il s’agrandit de jour en jour, il se pare à la moderne, il lutte avec sa seigneurie ; puis enfin, secouant tout à fait le joug, il s’affranchit du vasselage, déclare la guerre à Sermorent, s’en rend maître, et le réduit à n’être que son satellite et son faubourg.

» En continuant à monter par une rue pierreuse, nous trouvâmes, comme dernière limite à la ville de Voiron, la petite église des Pénitents. C’est celle que la population tient en la plus grande estime ; aussi, malgré l’empressement de mes compagnons de route, qui se souciaient peu de s’y arrêter, j’insistai, et j’obtins quelques minutes pour la visiter. L’église des Pénitents est encore, à cette heure, d’une simplicité qui approche de l’indigence : tout ce qui sert au culte est en bois et en argile, non sans doute qu’elle n’eût pu avec le temps se parer d’or et d’argent ; mais elle préfère garder la première pauvreté qui fut la dot du Christ sur la terre, et elle aime mieux conserver par là le souvenir de sa première existence. Tout pourtant s’y trouve d’une admirable propreté : les chaises sont en paille grossière, et leurs bras sont d’un bois blanc sur lequel on croirait difficilement que le ciseau de l’ouvrier a pu passer, tant il paraît brut ; mais, à voir sa blancheur, on dirait qu’il vient seulement d’être dépouillé de son écorce ; les stalles du chœur de l’église reluisent comme le buffet d’une ménagère ; les tableaux, plus que modestes, qui, de distance en distance, marquent autour de l’édifice les diverses stations de la croix, étalent dans tout leur brillant le peu d’or de leurs cadres. On voit enfin que c’est la charité et l’humilité, et non l’ostentation, qui ont fait les frais de la chapelle.

» On me laissa le temps nécessaire pour tout voir, tout examiner, et je profitai de la permission ; car cette petite église que je visitais pour la première fois avait déjà toutes mes sympathies. Enfin, nous sortîmes pour continuer notre excursion. Je me laissai guider par mes compagnons à travers un long corridor qui nous ouvrit un passage dans un sentier très-étroit, où deux ou trois personnes auraient eu peine à passer de front. Je cherchai des yeux la grande route, elle avait disparu. Devant nous se dressait une haute montagne dont la tête nue et escarpée paraissait,