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nouvel épilogue.

Mais l’image dans l’eau s’éclairant à mesure,
Je reconnus, monsieur, l’une et l’autre figure.

moi.
Et c’était… ?
le pâtre.
Et c’était…Jocelyn ! et Laurence avec lui !

Si j’avais pu marcher, je me serais enfui ;
Mais je restai cloué de terreur à ma place,
Et mes yeux, malgré moi, les voyaient dans la glace,
Vêtus d’air et de jour au lieu de vêtements,
Se tenant par la main ainsi que deux amants ;
Sur l’herbe qui frémit leurs pieds joints s’arrêtèrent,
Et de là, sans parler, leurs regards se portèrent
Sur les sites, les eaux, les arbres du beau lieu,
Comme quand on arrive, ou qu’on va dire adieu ;
Tour à tour l’un à l’autre ils se montraient du geste
Du temps de leurs amours, hélas ! le peu qui reste,
Les plantes, les rochers, les chênes éclaircis,
La mousse au bord du lac où l’on s’était assis,
La source extravasée et les nids d’hirondelles,
Et la plume par terre arrachée à leurs ailes ;
Puis ils se regardaient, souriant, elle et lui,
Comme quelqu’un qui voit son idée en autrui ;
Et Laurence, abaissant une main jusqu’aux herbes,
Des mille fleurs des prés cueillait de grosses gerbes,
Feuille à feuille, au hasard, nuançait leurs couleurs,
Et de la tête aux pieds se revêtait de fleurs,
Comme une aurore au ciel se revêt de la nue ;
Et l’amant embaumé s’enivrait de sa vue.
Et, comme pour venir assister à leurs jeux,
Tout ce qu’ils appelaient ressuscitait pour eux ;
Et les plantes croissaient à leur seule pensée,
Et la biche accourait lécher leur main baissée,
Et le chien au soleil se couchait à leurs piés,