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jocelyn.

Chaque fois que ma vie était un peu fanée,
Qu’un chagrin me pesait dans le cours de l’année,
Mon instinct, près de lui me portant aussitôt,
Dans un coin de mon cœur mettait tout en dépôt,
Pour aller dans son sein le verser à son heure,
Et rapporter la paix qui comblait sa demeure.
Où trouver maintenant ma pauvre goutte d’eau,
Et ce banc sur la route où poser mon fardeau ?
Et puis comme il m’aidait dans mes douces études !
Comme il connaissait bien toutes les habitudes
Des plantes, des oiseaux, des insectes de Dieu !
Comme il me disait juste à quelle heure, en quel lieu,
Sous quel rayon du soir, sur quelle verte pente
Ma main tomberait mieux sur l’insecte ou la plante !
Et comme, de l’hysope aux plus superbes fleurs,
De tout ce qui végète il m’enseignait les mœurs !
Il n’avait pourtant, lui, ni grand herbier ni livre ;
Je recueillais tout mort, mais lui voyait tout vivre ;
Je savais mieux les noms, les genres, les contours ;
Lui, les saveurs, les goûts, les instincts, les amours ;
Pour lui chaque herbe était un rayon d’évidence,
Un signe du grand mot où luit la Providence.
De ce signe divin par la sagesse écrit
Je contemplais la lettre, et lui lisait l’esprit ;
Et, prêtant à chaque herbe une claire étincelle
D’âme distincte au sein de l’âme universelle,
Il la voyait sentir, penser, agir, aimer ;
Et la nature ainsi, qu’il savait animer,
Avec ses sentiments, ses grâces infinies,
Et ses transitions fondant en harmonies,
Devenait sous sa langue un poëme sans fin,
Mais toujours émouvant l’âme et toujours divin,
Car le nom de l’auteur, brillant sur chaque page,
De jour et de chaleur inondait tout l’ouvrage ;