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neuvième époque.

Les hôpitaux sont pleins d’infirmes qu’il entasse,
Et les morts aux mourants ne font pas assez place ;
Les temples trop étroits sont encombrés ; leur seuil
Des cadavres pressés repousse le cercueil ;
Le bras des fossoyeurs à bêcher se fatigue ;
Une place au sépulcre est un don que l’on brigue ;
Les morts vont au tombeau par immenses convois,
Où pour mille cercueils ne marche qu’une croix.
La population se jette aux gémonies ;
Les prêtres décimés manquent aux agonies ;
Ils tracent aux mourants les sentiers du tombeau,
Et, comme le pasteur marche après le troupeau,
Les y mènent le soir, le lendemain les suivent.
À peine jusqu’ici trois ou quatre survivent,
Et, pour les assister dans leur pieux devoir,
Je descends chaque jour et reviens chaque soir.
Oh ! que mon pied court vite au chemin de la tombe !
Quelle grâce d’en haut, mon Dieu, si je succombe !
Si moi, qui donnerais pour rien mes jours flétris,
Pour mes frères sauvés vous me donniez en prix !
Oh ! pour rendre, Seigneur, un époux à la femme,
Une mère à l’enfant, prenez âme pour âme !

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