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neuvième époque.

Le lierre, épaississant ses ténébreux réseaux,
Interceptait la brise et le reflet des eaux ;
La vase, amoncelée au canal de la source,
Dans le creux de la roche en détournait la course,
Et la coupe de pierre, aux éternels accords,
N’avait plus qu’une mousse aride sur ses bords.
Nul oiseau n’y buvait ou n’y lavait ses ailes ;
Les nids de nos pigeons et de nos hirondelles,
Par la dent des renards détachés et mordus,
Flottaient contre la voûte à leurs fils suspendus,
Avec leurs blancs duvets, leurs plumes, leurs écailles,
Qui jonchaient le terrain ou souillaient les murailles.
Dans ce séjour de paix, d’amour, d’affection,
Tout n’était que ruine et profanation :
À la place où Laurence avait dormi naguère
Ses doux sommeils d’enfant sur son lit de fougère,
La bête fauve avait dans l’ombre amoncelé
Son repaire d’épine aux broussailles mêlé ;
Et des os décharnés, des carcasses livides,
Débris demi-rongés par ses petits avides,
Avec des poils sanglants répandus à l’entour,
Souillaient ce seuil sacré d’innocence et d’amour.
Je reculai d’horreur. Ô vil monceau de boue,
Ô terre qui produis tes fleurs et qui t’en joue,
Oh ! voilà donc aussi ce que tu fais de nous !
Nos pas sur tes vallons, tu les laboures tous :
Tu ne nous permets pas d’imprimer sur ta face
Même de nos regrets la fugitive trace ;
Nous retrouvons la joie où nous avons pleuré,
La brute souille l’antre où l’ange a demeuré !
L’ombre de nos amours, au ciel évanouie,
Ne plane pas deux jours sur notre point de vie ;
Nos cercueils, dans ton sein, ne gardent même pas
Ce peu de cendre aimée où nous traînent nos pas.