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neuvième époque.

Alors, pour passer seul tout ce jour de mystère,
Feignant d’avoir encor quelque saint ministère,
Je dis négligemment aux hommes du convoi
De descendre à pas lents la montagne sans moi ;
Et je demeurai seul pour pleurer en silence
L’heure, l’heure sans fin de l’éternelle absence.
Oh ! ce qui se passa dans ces veilles de deuil
Entre cette âme et moi couché sur ce cercueil,
Ce qui se souleva d’amour et d’espérance
Du fond de cette fosse où m’appelait Laurence,
Si ma main le pouvait, je ne l’écrirais pas !
Il est des entretiens de la vie au trépas,
Il est des mots sacrés que l’âme peut entendre,
Que nulle langue humaine en accents ne peut rendre,
Qui brûleraient la main qui les aurait écrits,
Et qu’il faut, même à soi, mourir sans avoir dits !

. . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . .


Quand j’eus seul devant Dieu pleuré toutes mes larmes,
Je voulus sur ces lieux si pleins de tristes charmes
Attacher un regard avant que de mourir,
Et je passai le soir à les tous parcourir.
Oh ! qu’en peu de saisons les étés et les glaces
Avaient fait du vallon évanouir nos traces !
Et que, sur ces sentiers si connus de mes piés,
La terre en peu de jours nous avait oubliés !
La végétation, comme une mer de plantes,
Avait tout recouvert de ses vagues grimpantes ;
La liane et la ronce entravaient chaque pas ;
L’herbe que je foulais ne me connaissait pas ;