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introduction.

qu’elle sauvait toutes choses parmi nous, qu’elle était à la fois l’esprit et la matière du monde, la langue complète et par excellence qui saisit l’homme par son humanité tout entière. Langue divine et primitive, elle a été le premier enseignement de l’humanité : elle lui parle de Dieu à son berceau, elle lui parle de guerre et d’amour dans sa jeunesse, de philosophie et de politique dans son âge mûr ; et enfin elle endort le vieillard et l’ensevelit de ses mains bienfaisantes.

La poésie, bien mieux que l’histoire, sait prendre l’empreinte de toutes les époques qu’elle anime ; c’est surtout par de grands poëmes que des nations sont représentées. Jusqu’à nos jours (et nous sommes encore jeunes) la poésie a déjà subi bien des transformations, sur lesquelles elle ne peut plus revenir. L’ode désormais est impossible, car aujourd’hui nous nous méfions de toutes choses, et surtout de l’enthousiasme. Le poëme épique est impossible, car les dieux qui l’animaient de leurs crimes et de leurs amours sont partis pour ne plus revenir. Le drame aussi est impossible, d’abord parce que toutes les combinaisons dramatiques sont depuis longtemps épuisées, et ensuite parce qu’en fait de drame il s’en passe chaque jour devant nous plus terribles mille fois, plus animés, plus redoutables que les plus sanglantes fictions de Sophocle et de Corneille. Que sera donc la poésie à l’avenir ? Demandez-le à M. de Lamartine, car il est le seul dans ce monde qui le sache. La poésie sera de la raison chantée ; philosophie, religion, politique, la société tout entière, tels seront désormais les sujets de ses chants ; elle sera intime surtout, personnelle, méditative. Malheur aux poëtes présents et à venir qui feront de ce grand art un vulgaire tour de force, et qui s’amuseront uniquement à entre-choquer des mots contre des mots, pour en obtenir je ne sais quelle misérable poussière, bonne tout