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neuvième époque.

L’œuvre de chaque globe à son appel monté
Est de glorifier sa sainte volonté,
De suivre avec amour le sentier qu’il lui trace,
Et de refléter Dieu dans le temps et l’espace ;
Et tous, obéissant, de rayon en rayon,
Se transmettent son ordre et font luire son nom ;
Et sa gloire en jaillit de système en système,
Et tout ce qu’il a fait lui rend gloire de même ;
Et, sans acception, son œil monte et descend
De l’orbe des soleils aux cheveux de l’enfant,
Et jusqu’au battement de l’insensible artère
De l’insecte qui rampe à vos pieds sur la terre !…
Et ne vous troublez pas devant cette grandeur ;
Ne redoutez jamais que dans la profondeur
Des êtres, dont la foule obscurcit la paupière,
L’ombre de ces grands corps vous cache sa lumière !
Ne dites pas, enfants, comme d’autres ont dit :
« Dieu ne me connaît pas, car je suis trop petit ;
» Dans sa création ma faiblesse me noie ;
» Il voit trop d’univers pour que son œil me voie. »
L’aigle de la montagne un jour dit au soleil :
« Pourquoi luire plus bas que ce sommet vermeil ?
» À quoi sert d’éclairer ces prés, ces gorges sombres,
» De salir tes rayons sur l’herbe dans ces ombres ?
» La mousse imperceptible est indigne de toi…
– Oiseau, dit le soleil, viens et monte avec moi !… »
L’aigle, avec le rayon s’élevant dans la nue,
Vit la montagne fondre et baisser à sa vue ;
Et quand il eut atteint son horizon nouveau,
À son œil confondu tout parut de niveau.
« Eh bien ! dit le soleil, tu vois, oiseau superbe,
» Si pour moi la montagne est plus haute que l’herbe.
» Rien n’est grand ni petit devant mes yeux géants :
» La goutte d’eau me peint comme les océans ;