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neuvième époque.

Sous mon crayon distrait le feuillet devint noir.
Oh ! nature, on t’adore encor dans ton miroir.


Laissant souffler ses bœufs, le jeune homme s’appuie
Debout au tronc d’un chêne, et de sa main essuie
La sueur du sentier sur son front mâle et doux ;
La femme et les enfants tout petits, à genoux
Devant les bœufs privés baissant leur corne à terre,
Leur cassent des rejets de frêne et de fougère,
Et jettent devant eux en verdoyants monceaux
Les feuilles que leurs mains émondent des rameaux
Ils ruminent en paix pendant que l’ombre obscure,
Sous le soleil montant, se replie à mesure,
Et, laissant de la glèbe attiédir la froideur,
Vient mourir, et border les pieds du laboureur.
Il rattache le joug, sous la forte courroie,
Aux cornes qu’en pesant sa main robuste ploie ;
Les enfants vont cueillir des rameaux découpés,
Des gouttes de rosée encore tout trempés ;
Au joug avec la feuille en verts festons les nouent,
Que sur leurs fronts voilés les fiers taureaux secouent,
Pour que leur flanc qui bat et leur poitrail poudreux
Portent sous le soleil un peu d’ombre avec eux.
Au joug de bois poli le limon s’équilibre,
Sous l’essieu gémissant le soc se dresse et vibre,
L’homme saisit le manche, et sous le coin tranchant,
Pour ouvrir le sillon le guide au bout du champ.