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jocelyn.

Ces vents qui du mélèze au rameau dentelé
Sortent comme un soupir à demi consolé !
Que du premier sapin l’écorce me fut douce !
Que je m’étendis las et triste sur la mousse !
Que j’y collai ma bouche en silence et longtemps,
N’entendant que les coups en ma tempe battants,
Et l’assaut orageux de mes mille pensées
En larmes plus qu’en mots sur les herbes versées !
Combien de fois je bus dans le creux de ma main
Un peu d’eau du torrent qui borde le chemin !
Que souvent mon oreille à ses flots attentive
Crut reconnaître un cri dans ses bonds sur sa rive,
Et, d’un frisson glacé me ridant tout entier,
M’arrêta palpitant sur le bord du sentier !
Enfin le soir, je vis noircir, entre les cimes
Des arbres, mes murs gris au revers des abîmes.
Les villageois, épars sur leurs meules de foin,
Du geste et du regard me saluaient de loin.
L’œil fixé sur mon toit sans bruit et sans fumée,
J’approchais, le cœur gros, de ma porte fermée.
Là, quand mon pied poudreux heurta mon pauvre seuil,
Un tendre hurlement fut mon unique accueil :
Hélas ! c’était mon chien, couché sous ma fenêtre,
Qu’avait maigri trois mois le souci de son maître.


Marthe filait, assise en haut sur le palier ;
Son fuseau de sa main roula sur l’escalier ;
Elle leva sur moi son regard sans mot dire ;
Et, comme si son œil dans mon cœur eût pu lire,
Elle m’ouvrit ma chambre et ne me parla pas.
Le chien seul en jappant s’élança sur mes pas,
Bondit autour de moi de joie et de tendresse,
Se roula sur mes pieds enchaînés de caresse,