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septième époque.

Vous en fûtes témoins, anges du Dieu vivant !
Et si mon faible cœur se révolta souvent ;
Si, trouvant le joug lourd et le devoir austère,
Je traînai comme un poids mon sacré caractère,
De tout ce qu’ici-bas j’avais sacrifié,
Ah ! par ce seul moment je me sentis payé,
Puisque Dieu permettait que par ce sacrifice
Cette mort pour ma mère adoucît son calice.


J’allumai ces flambeaux de la dernière nuit,
Double image du jour qui commence et qui fuit ;
Dans le vase caché de l’humble Eucharistie
Des mourants, à sa voix, j’allai puiser l’hostie ;
Et, penché sur son front, de ma tremblante main,
Tout mouillé de mes pleurs, je lui rompis le pain.
La splendeur de sa foi rayonnait dans la chambre ;
Du chrême des mourants je touchai chaque membre,
Ce front où mes baisers voulaient suivre mes doigts,
Ces flancs qui sur son cœur m’avaient couvé neuf mois,
Ces bras qui, m’entourant, tout petit, de tendresse,
M’avaient fait tant de fois un berceau de caresse ;
Ces pieds qui les premiers frayèrent mon chemin,
Dont toute trace allait disparaître demain !
Absorbée et présente à chaque grand symbole,
Quand tout fut accompli, reprenant la parole :
« Jocelyn, me dit-elle, encore, encore un don !
» — Et lequel, ô ma mère ? – Oh ! mon fils, ton pardon !
» Non le pardon de Dieu qui sur moi surabonde,
» Mais le pardon du fils que je laisse en ce monde !
» De ton amour pour nous pauvre jeune martyr,
» Une mère jamais n’aurait dû consentir
» À te laisser tenter ton dévoûment sublime !
» Ta vie est un désert, ton cœur est un abîme