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jocelyn.

Elle ne compte plus que soleil à soleil ;
Et lorsque nous baisons ce front pâle au réveil,
Je ne puis de longtemps en détacher ma lèvre,
Car je sens qu’il m’échappe et que la mort me sèvre,
Que le dernier anneau du cœur va se briser,
Il ne tient plus peut-être, hélas ! qu’à ce baiser !…


Elle a voulu revoir ce ciel de son enfance,
Revenir et mourir au lieu de sa naissance.
Paris était pour elle un séjour étranger,
Son exil à ses yeux n’avait fait que changer :
Cette ville banale était pour elle amère.
Ah ! la seule patrie est, pour l’œil d’une mère,
Aux lieux où lui sourit, où l’aima son époux,
Où son doux premier-né grandit sur ses genoux,
Où ces anges gardiens du printemps de la femme
Laissèrent en partant leur rayon dans son âme !


Que ce séjour pourtant a d’angoisse à ses yeux !
Revenir étrangère aux champs de ses aïeux,
Pauvre et nue au village où son humble opulence
Des détresses du pauvre était la providence !
De ceux qu’on reconnaît voir les yeux se baisser ;
D’autres se détourner, de peur de vous blesser ;
D’autres, nouveaux venus, en secouant leurs têtes,
D’un air indifférent demander qui vous êtes.
Louer une chaumière en un coin du hameau,
Pour respirer un peu de l’air de son berceau ;
Jeter un œil furtif, de là, sur la demeure
Où l’on naquit, sur l’herbe ou l’arbre qui vous pleure ;
Craindre qu’on vous impute à crime ce coup d’œil ;
Se détourner, de peur d’en rencontrer le seuil ;