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jocelyn.
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Alors, pour m’arracher par force à ce transport,
Pour desserrer les dents du serpent qui me mord,
Le front brûlant, collé sur ma table de chêne,
J’attache mon esprit, comme avec une chaîne,
À ces livres usés du regard qui les lit,
Où le jour de ma lampe en m’éclairant pâlit.
Comme un esprit du doute et de la solitude,
J’enivre ma raison de science et d’étude :
Tantôt, dans ces débris que l’histoire a laissés
Comme des siècles morts les pas presque effacés,
Je cherche à retrouver les traces d’une route,
Ce vain fil qui se brise entre les mains du doute,
Ce long dessein de Dieu qui mène les humains,
Fait de leurs monuments la fange des chemins,
Dissipe leur empire et leur foi comme un rêve,
Sur leur propre monceau de débris les élève,
Et du dogme et du temps, qui ne croit plus finir,
Ne fait qu’un marchepied pour l’obscur avenir.
Mais ce fil dans mes mains se brouille, à chaque haleine,
Dans l’énigme de Dieu dont chaque page est pleine ;
Des choses, des esprits l’éternel mouvement
N’est pour nous que poussière et qu’éblouissement :
Le mystère du temps dans l’ombre se consomme ;
Le regard infini n’est pas dans l’œil de l’homme,
Et devant Dieu, caché dans sa fatalité,
Notre seule science est notre humilité !


Tantôt, las de sonder ces obscures merveilles,
Je livre aux bardes saints mon âme et mes oreilles ;
J’écoute avec le cœur ces chœurs mélodieux
Qui, se brisant à terre en retombant des cieux,
En soupirs immortels sur la harpe éclatèrent,
Et pour diviniser leurs plaintes les chantèrent.