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préface.

velle et quand l’un s’en va, l’autre arrive ; quand l’un se tait, l’autre commence à parler : Sibi lampada tradunt. Il y a une incessante génération d’intelligences, un éternel rajeunissement d’impressions et de sentiments sur la terre. Le monde poétique finit et recommence tous les jours comme l’autre monde.

Ah ! quand on est comme moi dans la confidence de ces multitudes infinies de jeunes âmes qui arrivent jour par jour à la vie active avec cette virginité d’émanations, ces élans de vertu, cette énergie de bons désirs, cette sainteté de volonté, cette séve de passions généreuses, dont je suis si souvent le témoin, on ne peut plus se décourager de l’espérance et de la confiance dans l’humanité. Ceux qui accusent leur âge ne le connaissent pas. Le flot qui arrive est plus pur que celui qui s’en va. Ne maudissez pas tant la vie et l’homme ! Sans doute il y a de tristes dégradations : il y a des âmes qui se lassent et qui tombent pour se relever ; il y en a qui tombent pour toujours ; il y en a qui se vautrent dans la servilité et dans la corruption ; mais à mesure qu’il en disparaît une, il en surgit dix autres pleines de séve et toutes en fleurs, pour purifier et rajeunir l’air vital que nous avons toujours à respirer. Sans cela l’homme mourrait, et il doit vivre. Celui qui désespère des hommes ne connaît pas Dieu ; car, dans les temps de lumière, il s’appelle Foi : et, dans les temps de ténèbres, il s’appelle Espérance.

A. DE LAMARTINE