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préface.

d’un livre ou la gloire d’un nom ! Peu de ces compositions verront un autre jour que celui de ma lampe. Il y a des natures recueillies, et ce sont les meilleures, qui ont une sorte de pudeur de leur génie, qui croiraient le perdre en le dévoilant. Il y a de jeunes filles du peuple, comme celle qu’Hugo a si bien chantée, qui vivent de l’aiguille le jour, et le soir des plus fraîches inspirations de la pensée. Maintenant qu’elles savent lire, elles s’essayent à imiter ce qu’elles ont lu ; elles n’ont rien vu, elles écrivent leur âme, et il y a là des mystères de candeur et de naïveté qui n’avaient jamais été écrits. Il y a de pauvres ouvriers qui, après avoir limé le fer ou raboté le bois tout le jour, s’enferment la nuit dans leur mansarde, et sentent et pensent avec autant de nature et avec plus d’originalité que nous.

Il y a des femmes exilées dans des provinces lointaines, au fond de vieux châteaux, dans des chaumières, dans de petites villes, dans tous les embarras, dans toutes les médiocrités d’une vie obscure et domestique, qui laissent échapper une voix d’ange, de ces voix qui font qu’on s’arrête le soir en passant sous les fenêtres d’une rue sombre, qu’on écoute longtemps en silence, et qu’on dit : « Il y a là un écho du ciel ! » Enfin, il y a des malades, de pauvres jeunes gens disgraciés de la nature et de la fortune, dont les poëtes sont les seuls amis ; de jeunes prêtres à peine sortis des séminaires, relégués, comme Jocelyn, dans quelque masure, sur une montagne ou dans un désert, à qui notre livre tombe par hasard des mains du colporteur ou du voisin, et qui mêlent leurs bonnes œuvres, leurs larmes, leurs prières à celles du jeune prêtre qui les a un moment consolés.

Voilà nos lecteurs, nos amis, nos correspondants de tous les jours ! ils ne s’épuisent pas, car chaque année les renou-