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cinquième époque.

Et que jusqu’au tombeau j’entendrai. Puis, glissant
Sur les pointes du roc que son front teint de sang,
Ses membres sur les miens en tombant s’affaissèrent,
Et ses mains en touchant les miennes les glacèrent.
J’échauffai sur mon cœur, j’entourai de mes bras
Ce corps, ces membres froids disputés au trépas.
Des noms les plus cruels je m’outrageais moi-même ;
J’aurais fait jusqu’à Dieu rejaillir mon blasphème !
Je couvrais de baisers (anges, pardonnez-moi !)
Ce front sanglant, ces yeux : « Laurence, éveille-toi !
» Oh ! reviens à mes cris ! oh ! si tu vis, j’abjure
» Mes infâmes vertus et mon sacré parjure !
» Je n’ai rien prononcé ! plus d’autel ! plus d’adieu !
» Dans ton cœur, dans tes bras ! ah ! c’est là qu’est mon dieu ;
» C’est là que je n’aurai de flamme que ta flamme,
» D’autre ciel que tes yeux, d’autre âme que ton âme.
» Non, non, ils ont menti ; reviens, reviens au jour :
» L’enfer n’est pas possible avec un tel amour ! »
Glacés d’effroi, la sœur, les pâtres s’approchèrent ;
De mes bras contractés par force ils arrachèrent
Laurence, dont le sein ranimé sur mon cœur
Reprenait par degrés la vie et la chaleur ;
Je vis de son front blanc, qui sur leur brancard flotte,
Les blonds cheveux traîner en sortant de la grotte,
Comme d’une aile d’ange on voit le dernier pli.
Et moi, par le délire et l’horreur affaibli,
Sans pouvoir faire un pas pour disputer ma vie,
Le regard sur la porte où mon œil l’a suivie,
Je restai là couché sur la roche où je suis…
Depuis quand ? Je ne sais ; tous mes jours sont des nuits !


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