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préface.

On se console de tous ces mécomptes par quelques-unes de ces voix qui vous disent : « Courage ! nous vous aidons de cœur, et nous prions pour vous. » On s’en console surtout en ouvrant bien vite quelques-unes de ces petites lettres d’amis qu’on a réservées pour la fin, comme pour s’embaumer les mains et l’âme de ce doux parfum d’affection cachée qui s’est allumé dans la jeunesse, et qui brûle toujours dans la même solitude éloignée, dans la même maison, dans le même cœur. Celles-là, on les savoure, et, après les avoir lues et relues, on les sépare de la foule comme elles sont à part dans la pensée : ce sont les bénédictions de la journée, les oiseaux de bon augure qu’on a vus passer sous tant de nuages et parmi tant de feuilles sèches.

Enfin on ouvre les lettres d’inconnus. C’est un délicieux moment. J’écarte tristement celles qui sollicitent un crédit que je n’ai pas, et une fortune que je voudrais avoir encore. Je lis celles qui sont des émanations du cœur et de l’âme, et qui ne sont écrites que pour être lues. Quelles charmantes choses ! que de trésors cachés ! quel abîme de sensibilités et d’émotions intimes ! quelle variété, quelle nouveauté, quel imprévu dans la manière de sentir la vie, la nature, l’art ! quelles confidences touchantes de situations, d’impressions, d’affections, qu’on n’oserait faire à visage découvert ! quelle prodigalité de dons, de grâces, de génie même dans la nature humaine !

Il y a bien des pages puériles, essayées par des mains d’enfants ; mais aussi qu’il y a de pages ravissantes que l’on voudrait voir lues au grand jour ! Que d’amour, de piété, de philosophie, de poésie ! que de vers, ou tendres ou sublimes, qui meurent ainsi cachés entre celui qui les chante et celui qui les écoute, et qui seraient la richesse