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jocelyn.

Et, pour mesurer l’heure et compter les moments,
Je n’avais de mon cœur que les lourds battements.


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Enfin le vent tomba ; le jour teignit les nues ;
Sa lueur m’éclaira des plages inconnues ;
Un souffle aigu du nord, courant comme un frisson,
Durcit la neige en poudre et la pluie en glaçon ;
Les abîmes mouvants, gelés à cette haleine,
Devinrent sous mes pas une solide plaine ;
J’orientai mon œil au soleil éclatant,
Je me précipitai dans l’antre haletant :
« Laurence ! »… L’écho seul me renvoya : « Laurence !… »
Mon cœur pétrifié plongea dans ce silence…
Un éclair de terreur m’illumine à demi :
Il a bravé la mort pour sauver son ami !
Je ressors à l’instant de la caverne vide,
Je cherche sur la neige une empreinte, une ride ;
J’appelle ; tout se tait. Je m’élance au hasard ;
J’aurais voulu sonder l’espace d’un regard ;
Mon oreille à mes cris attendait la réponse,
Comme un homme jugé dont l’arrêt se prononce :
Entre l’affreux silence et le cri de ma voix,
Dans un seul battement mon cœur mourut cent fois ;
Je tombais, quand la biche, à ma voix accourue,
Bondit autour de moi. Je frémis à sa vue ;
Elle lécha mes mains, et se mit à marcher,
En se tournant vers moi comme pour me chercher ;
Puis, franchissant d’un bond une blanche colline,
Disparut à mes yeux au fond d’une ravine.