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jocelyn.
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6 janvier 1794.

Que rendrai-je au Seigneur pour les biens qu’il me donne ?
Tandis que sous mes pieds la tempête résonne,
Que le jour verse au jour des larmes et du sang,
L’inaltérable paix sur ces hauts lieux descend,
Et la tendre amitié, qui hait la multitude,
Nous fait un univers de notre solitude.


Que cet enfant s’attache à mon ombre ! et combien
Son cœur à son insu se mêle avec le mien !
Oh ! qui pourra jamais démêler ces deux âmes
Que la terre et le ciel joignent par tant de trames ?
L’un de l’autre il serait plus aisé d’arracher
Ces deux hêtres jumeaux qu’un nœud semble attacher,
Et qui, de jour en jour s’enlaçant avec force,
Croissent du même tronc et sous la même écorce.
Mais les comparaisons manquent. Je me souviens
D’avoir eu pour ami, dans mon enfance, un chien,
Une levrette blanche, au museau de gazelle,
Au poil ondé de soie, au cou de tourterelle,
À l’œil profond et doux comme un regard humain :
Elle n’avait jamais mangé que dans ma main,
Répondu qu’à ma voix, couru que sur ma trace,
Dormi que sur mes pieds, ni flairé que ma place.
Quand je sortais tout seul et qu’elle demeurait,
Tout le temps que j’étais dehors, elle pleurait ;