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jocelyn.

Autour de sa figure il fait encor grand jour ;
Son éclat se reflète aux objets d’alentour ;
Il éclaire la nuit d’un reste de lumière,
Et son regard me force à baisser la paupière :
On dirait ces rayons du jour dont Raphaël
A couronné le front de ses vierges du ciel.
Peut-être que ce jour n’était pas un symbole,
Et que dès ici-bas l’âme a son auréole.
J’ai beau chercher bien loin dans ma mémoire ; rien
Des visages connus ne rappelle le sien :
Aucun des compagnons de ma première enfance,
Des lévites amis de mon adolescence,
N’avait ces traits si purs, ce front, cette langueur,
Ce son de voix ému qui vibre au fond du cœur,
Cette peau qu’un sang bleu sous les veines colore,
Ce regard qu’on évite et qui vous perce encore,
Cet œil noir qui ressemble au firmament obscur,
Lorsque l’aube naissante y lutte avec l’azur,
Où l’humide rayon de l’âme qu’il dévoile
Sur un front ténébreux jaillit comme une étoile ;
Ces cheveux dont la soie imite en blonds anneaux
Les ondulations et les courbes des eaux :
Il semble, à cette forme où tout est luxe et grâce,
Que cet être céleste est né d’une autre race,
Et n’a rien de commun avec ceux d’ici-bas
Que ce regard d’ami qui l’attache à mes pas.
Et quand sur ces hauteurs, ses beaux pieds sans chaussure,
Sa cravate nouée autour de sa ceinture,
Dans sa veste sans pli, jusqu’au cou boutonné,
À peine resserrant son sein emprisonné,
Son col nu, et portant sa tête avec souplesse
Comme un front de coursier qu’on flatte et qu’on caresse,
Ses cheveux, que d’un an le fer n’a retranchés,
Des deux côtés du col en boucles épanchés,