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troisième époque.

27 août 1793.

Pendant qu’un lourd sommeil plus fort que nos douleurs,
Fermait enfin les yeux de l’enfant dans ses pleurs,
J’ai dénoué ses bras du corps froid de son père,
Et j’ai rendu ce soir la dépouille à la terre.

Au bord du lac, il est une plage dont l’eau
Ne peut même en hiver atteindre le niveau ;
Mais où le flot, qui bat jour et nuit sur sa grève,
Déroule un sable fin qu’en dunes il élève.
Là, le mur du rocher, sous sa concavité,
Couvre un tertre plus vert de son ombre abrité ;
La roche en cet endroit par sa forme rappelle
Le chœur obscur et bas d’une antique chapelle,
Quand la nature en a revêtu les débris
De liane rampante et d’arbustes fleuris.
Là, du pauvre étranger, la nuit, mes mains creusèrent
La couche dans la terre, et mes pleurs l’arrosèrent ;
Et les mots consacrés à ce suprême adieu
Remirent son sommeil et son réveil à Dieu.
Puis, pour sanctifier la place par un signe,
Et de son saint dépôt la rendre à jamais digne,
Je fis tomber d’en haut cinq grands blocs suspendus,
Gigantesques débris de ces rochers fendus,
Et, les groupant en croix sur la couche de sable,
J’imprimai sur le sol ce signe impérissable :