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troisième époque.

25 août 1793.

Étendu sur un lit de mousse ensanglantée,
Sur les bras de son fils sa tête était jetée ;
Son regard seul sur lui pouvait se soulever ;
Quelquefois il semblait s’endormir et rêver,
Et, sur son lit, sa main échappée à la mienne
Cherchait en tâtonnant un fil qui la retienne.
Le pauvre enfant voulait me dérober en vain
Des sanglots qui sortaient malgré lui de son sein ;
Chaque fois qu’il levait son front pâli d’alarmes,
Je voyais dans ses yeux rouler de grosses larmes
Qui pleuvaient sur le front que son cœur appuyait,
Et qu’un baiser craintif de sa bouche essuyait ;
Puis il interrogeait mes yeux, comme pour lire
L’affreuse vérité que je n’osais lui dire ;
Et quand malgré mes yeux mon trouble lui parlait,
De ses bras convulsifs l’étreinte redoublait ;
Il me jetait dans l’ombre un regard de colère,
Et, de son corps entier enveloppant son père,
Il semblait défier le ciel et le trépas
De pouvoir arracher ce mourant de ses bras.
Alors ses blonds cheveux tombant sur son visage,
Mêlés aux cheveux blancs de ce front d’un autre âge,
Me cachaient leur figure, et je n’entendais plus
De baisers, de sanglots, qu’un murmure confus,
Deux souffles confondus dans une seule haleine,
Tantôt forte, tantôt se distinguant à peine,