Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 4.djvu/122

Cette page a été validée par deux contributeurs.
121
deuxième époque.

S’il cessait de tourner dans ce cercle divin,
S’il s’arrêtait un jour, ce jour serait sa fin.
Mais pour lui, sur la route à ses pas accordée,
Une idée est toujours en avant d’une idée ;
Il s’élance, il l’atteint au terme d’un sentier ;
Il crée à son image un monde tout entier ;
Puis à peine entre-t-il dans l’œuvre commencée,
Qu’il demande à courir vers une autre pensée,
La réalise et passe, et, d’essor en essor,
Gagne un autre horizon pour le franchir encor.
Ainsi de siècle en siècle il lègue ses chimères :
De vérités pour lui les vérités sont mères,
Et Dieu, les lui montrant jour à jour, pas à pas,
Le mène jusqu’où Dieu veut qu’il aille ici-bas ;
Terme qu’il a lui seul posé dans sa sagesse,
Et qu’on n’atteint jamais, en approchant sans cesse.


Mais si l’esprit de Dieu, travaillant par nos mains,
À ces renversements condamne les humains,
Comment donc marque-t-il du sang pur des victimes
Les révolutions, ce solstice des crimes ?
Comment l’esprit d’amour, de justice, de paix,
Sert-il l’iniquité, la haine et les forfaits ?
Ah ! c’est que dans son œuvre il agit avec l’homme :
La vertu les conçoit, le crime les consomme ;
L’ouvrier est divin, l’instrument est mortel ;
L’un veut changer le Dieu, l’autre brise l’autel ;
L’un sur la liberté veut fonder la justice,
L’autre sur tous les droits fait crouler l’édifice.
Puis vient la nuit fatale où l’esprit combattu
Ne sait plus où trouver le crime et la vertu ;
Chaque parti s’en fait d’horribles représailles.
Les révolutions sont des champs de batailles