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deuxième époque.

Moins insensé celui qui dirait au soleil :
« Prends mon heure ! attends-moi pour luire à mon réveil,
Borne à mon horizon ta lumière féconde,
Et quand mon œil se ferme, éteins-toi pour le monde ! »
Non, Dieu n’a dit son mot à personne ici-bas ;
La nature et le temps ne le comprennent pas ;
Et si de son mystère il perce quelque chose,
Ne la cherchons qu’en lui ; c’est là que tout repose !
C’est là qu’à nos esprits, dans le doute noyés,
Lui soulève un coin du voile, et dit : « Voyez ! »
Qu’annonce la nature en sa marche éternelle ?
Où s’arrête sa course ? où se repose-t-elle ?
De ces mille soleils tournant sous l’œil de Dieu,
Rayons étincelants de son céleste essieu,
Lequel dort au milieu de sa courbe enflammée ?
Quelle route du ciel devant eux s’est fermée ?
Quelle vague des airs croupit dans son repos ?
Quelle goutte des mers dort dans le lit des flots ?
Quel océan couché dans d’éternels rivages
Cesse de dévorer ou d’enfanter des plages ?
Quels monts ont étouffé leur creuset souterrain ?
Quoi donc était hier ce qu’il sera demain ?
Et, du sable au rocher, de l’âme à la matière,
De l’abîme des cieux jusqu’au grain de poussière,
Quel autre que Dieu seul peut dans ce mouvement
Reconnaître une forme, un être, un élément ?
On sent à ce travail, qui change, brise, enfante,
Qu’un éternel levain dans l’univers fermente,
Que la main créatrice à son œuvre est toujours,
Que de l’Être éternel éternel est le cours,
Que le temps naît du temps, la chose de la chose ;
Qu’une forme périt afin qu’une autre éclose ;
Qu’à tout être la fin n’est que commencement ;
La souffrance, travail ; la mort, enfantement !