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deuxième époque.


Eh bien ! quand j’ai franchi le seuil du temple sombre
Dont la seconde nuit m’ensevelit dans l’ombre ;
Quand je vois s’élever entre la foule et moi
Ces larges murs pétris de siècles et de foi ;
Quand j’erre à pas muets dans ce profond asile,
Solitude de pierre, immuable, immobile,
Image du séjour par Dieu même habité,
Où tout est profondeur, mystère, éternité ;
Quand les rayons du soir que l’occident rappelle
Éteignent aux vitraux leur dernière étincelle,
Qu’au fond du sanctuaire un feu flottant qui luit
Scintille comme un œil ouvert sur cette nuit,
Que la voix du clocher en son doux s’évapore,
Que, le front appuyé contre un pilier sonore,
Je le sens, tout ému du retentissement,
Vibrer comme une clef d’un céleste instrument,
Et que du faîte au sol l’immense cathédrale,
Avec ses murs, ses tours, sa cave sépulcrale,
Tel qu’un être animé, semble à la voix qui sort
Tressaillir et répondre en un commun transport ;
Et quand, portant mes yeux des pavés à la voûte,
Je sens que dans ce vide une oreille m’écoute,
Qu’un invisible ami, dans la nef répandu,
M’attire à lui, me parle un langage entendu,
Se communique à moi dans un silence intime,
Et dans son vaste sein m’enveloppe et m’abîme :
Alors, mes deux genoux pliés sur le carreau,
Ramenant sur mes yeux un pan de mon manteau,
Comme un homme surpris par l’orage de l’âme,
Les yeux tout éblouis de mille éclairs de flamme,
Je m’abrite muet dans le sein du Seigneur,
Et l’écoute et l’entends, voix à voix, cœur à cœur.
Ce qui se passe alors dans ce pieux délire,
Les langues d’ici-bas n’ont plus rien pour le dire ;