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turbables et debout, aux intempéries de l’orage, au feu des éclairs, aux coups de la foudre, sous ce toit croulant et sous ces tentes déchirées. Vous avez montré que vous êtes vraiment les enfants de ces Gaulois qui, s’écriaient dans des circonstances plus sérieuses, que si la voûte du ciel venait à s’écrouler, ils la soutiendraient sur le fer de leurs lances ! (Bravos prolongés.) Ainsi vous-mêmes vous bravez les éléments pour entendre quelques mots de probité et de liberté. Vous comprenez qu’une pareille situation néanmoins moins me commande d’abréger l’entretien que nous proposions d’avoir ensemble, et de me borner à vous exprimer une faible partie de mes sentiments ; mais je ne puis supprimer ma reconnaissance.

» Messieurs, en écoutant les paroles que vient de m’adresser, en votre nom, monsieur Rolland, mon jeune ami, ce premier magistrat de votre ville, qui a déposé ici son caractère officiel pour y revêtir seulement la magistrature de votre amitié ; en contemplant cet immense concours de concitoyens et d’étrangers, ce camp d’amis, cette armée de convives, et cette décoration vivante de femmes qui représentent ici le plus beau des rôles dans l’histoire des révolutions : le rôle de la miséricorde et de la pitié (applaudissements), quel étranger, quel voyageur, s’il passait par hasard en ce moment par nos murs, ou s’il voguait sur notre beau fleuve, ne se demanderait quel événement national célèbre aujourd’hui notre pays ? quelle commémoration civique on y renouvelle ? quelle grandeur de la terre, quel ministre, quel puissant citoyen on y enveloppe de la réception, de l’acclamation, de la munificence publiques ? Et si l’on répondait à ce passant que ce n’est rien de tout cela, que ce n’est ni un ministre, ni une puissance de l’État,