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de la croix qui dura deux mille ans, qui sapa le vieux monde, qui apprit aux maîtres et aux esclaves le nom nouveau de frères, et qui renouvela les autels, les empires, les lois et les institutions de l’univers !

» Non, la Révolution française fut autre chose : il n’est pas donné à de vils intérêts matériels de produire de pareils effets. Le genre humain est spiritualiste malgré ses calomniateurs ; il se meut quelquefois pour des intérêts, mais c’est quand les idées lui manquent, ou quand il manque lui-même, comme nous en ce moment, aux idées. Le genre humain est spiritualiste, et c’est la sa gloire ; et les religions, les révolutions, les martyres, ne sont que le spiritualisme des idées protestant contre le matérialisme des faits ! (Oui ! oui !)

» La Révolution fut l’avénement d’une idée ou d’un groupe d’idées nouvelles dans le monde. Ces idées, vous les connaissez ; vous en avez lu les premiers catéchistes, Fénelon dans le Télémaque, Montesquieu dans l’Esprit des Lois, Jean-Jacques Rousseau dans le Contrat social. C’est de ces livres que souffla cette première aspiration à la rénovation de toutes choses, aspiration unanime dans toutes les classes alors, dans celles qui avaient à perdre comme dans celles qui avaient à gagner, dans les privilégiées comme dans les opprimées, dans la noblesse, dans le clergé comme dans le peuple ; car la conviction puissante de ces vérités divines rendait tout le monde alors juste, désintéressé, généreux comme la vérité elle-même.

» Je comptais ici, messieurs, parcourir avec vous les diverses phases de l’histoire de cette révolution, et en faire ressortir la leçon et la lumière. Les circonstances s’y opposent, la nuit nous gagne, le vent emporte les paroles.