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MADAME DE SÉVIGNÉ.

Voyons comment naissait ce siècle littéraire de Louis XIV, et où tant de gloire avait son berceau.

Les hommes et les femmes déjà nés ou prêts a mourir qui composaient, depuis le commencement du siècle, cette élite de l’esprit humain, étaient Malherbe, Corneille, Voiture, le premier Balzac, Ménage, Saint-Évremond, Sarrazin, Chapelain, Pélisson, Pascal, Bossuet, Molière, La Fontaine, Fénelon, Boileau, Racine, Fléchier, Bourdaloue, La Rochefoucauld, La Bruyère, Chaulieu, madame de La Fayette, la marquise de Sablé, la duchesse de Longueville, madame de Cornuel, et enfin madame de Sévigné elle-même, bien jeune alors, attirée par l’éclat de ce qui commençait à briller autour d’elle, et qui ne se doutait pas que son nom, perdu dans la foule, survivrait un jour à presque tous ces noms.

Une jeune femme d’origine italienne, de la maison florentine des Savelli, parents des Médicis, alliés de nos rois, avait apporté en France le goût, le sentiment, les délicatesses, et même les raffinements de la poésie italienne. C’était madame de Rambouillet, femme du marquis de Rambouillet, grand seigneur, ambassadeur et courtisan. Madame de Rambouillet, mariée a seize ans, jeune et belle encore, avait une fille de quinze ans dont elle paraissait être la sœur. La mère avait inspiré à la fille cette passion de la poésie, de l’imagination et des lettres qu’elle avait respirée elle-même avec l’air de l’Arno et des collines de Toscane. Cette fille se nommait Julie d’Angennes, nom encadré depuis dans des guirlandes de vers. La mémoire de ces deux femmes était embaumée des stances du Tasse, de l’Arioste, des tercets du Dante, des sonnets de Pétrarque. Elles cherchaient à prolonger de ce côté des Alpes, dans une langue jusque-la incomplète, les échos de ces divins poëtes, échos eux-mêmes de ceux du siècle d’Auguste. Une analogie de goûts, de nobles loisirs,