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MADAME DE SÉVIGNÉ.

ques tilleuls. Mais ce quartier était habité par l’élite de la noblesse et de la littérature françaises. C’était le vestibule des Tuileries, le portique de la cour. Pour aller aux honneurs, à la considération, à la renommée, à la gloire, on passait par là. Il y a des pavés qui anoblissent. L’orgueil, la vanité, la prééminence de race ou de profession, sont si inhérents à la nature humaine, qu’on se fait un privilège d’une arcade ou d’une fenêtre sur la rue comme d’un trône dans un palais.

La famille de Coulanges la présenta à la cour. Son portrait, écrit par madame de La Fayette, les exclamations échappées à tous ses contemporains illustres, tels que Ménage, Chapelain, Bussy-Babutin, et les nombreux portraits peints par les meilleurs artistes de son époque, expliquent l’attention unanime qui se fixa sur cette jeune fille. Elle fut enveloppée d’enthousiasme et d’amour ; son premier pas dans le monde trouva l’accueil dans tous les yeux ; cet accueil, qu’elle devait à son visage, ouvrit son âme à la sérénité ; c’est le privilége de la beauté d’éclore ainsi au milieu de la douce chaleur qu’elle inspire, de la ressentir elle-même, et de commencer la vie par la reconnaissance. Ce premier regard du public est un miroir où la vie sourit ou se fronce aux yeux d’une jeune femme, et la prédispose pour jamais à se féliciter ou à s’attrister de l’existence ; c’est la physionomie de sa destinée qui lui apparaît en un coup d’œil. Tout dans cette physionomie du monde où elle entrait fut caressant pour la belle orpheline. Elle sentit que la nature l’avait créée pour être l’heureuse favorite, non d’un roi, mais d’un temps. Elle aima en retour, dès la première heure, ce monde qui l’aimait.

« Je ne veux pas vous écraser de louanges, lui écrivit à son début madame de La Fayette, dont l’esprit et le style faisaient autorité dans cette société aristocratique et lettrée du dix-septième siècle ; je ne veux pas m’amuser à