Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 36.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
44
MADAME DE SÉVIGNÉ.

de l’âme, qui se resserre ou se relâche à mesure que chacun de ces rejetons de la famille porte dans ses veines ce sang plus rapproché ou plus éloigné de sa source, et qu’il conserve aussi plus ou moins de cet amour qui coule dans son cœur avec cette séve de l’arbre humain.

Ainsi il y a l’amour parallèle du père pour la mère, de la mère pour le père, l’amour descendant du père et de la mère pour le premier-né, l’amour remontant du premier-né au père et à la mère, l’amour rayonnant du frère au frère, de la sœur à la mère, au père, au frère, des oncles et des tantes aux neveux et aux nièces, des neveux et des nièces aux oncles et aux tantes, du petit-enfant à l’aïeule et de l’aïeule aux petits-enfants, jusqu’à la dernière génération que la brièveté de la vie ou sa longévité nous permet d’atteindre de l’œil, du cœur ou de la pensée. Enfin, l’amour répercuté, attiédi, mais conservant encore une sympathique réciprocité et une douce chaleur, entre les enfants de ces frères, de ces sœurs, de ces petits-enfants, tant que la séve, le nom et la mémoire de la racine commune se perpétuent dans les rameaux. L’esprit de famille se forme de ces rejaillissements à l’infini de toutes ces affinités directes ou indirectes de cœur à cœur, qui vont en se refroidissant à mesure qu’elles divergent des trois premiers cœurs, mais qui gardent, même à la circonférence la plus éloignée, un peu de la température du premier foyer.

Le même sang puisé à la même veine, le même lait sucé à la même mamelle, le même nom dont chacun porte la responsabilité (modeste ou illustre, peu importe, mais solidaire), nom qui ne peut se ternir ou se glorifier dans un seul sans se glorifier ou se ternir un peu dans tous ; la même fortune qui fait vivre largement ou étroitement toute la race du domaine séculaire de la maison, par l’héritage aggloméré ou subdivisé, selon le petit nombre ou le grand nombre des enfants ; la même maison paternelle à la ville