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MILTON.

moments rapides peut-être), que la paix et l’amour soient entre nous deux ! Tu n’as péché que contre Dieu, moi contre Dieu et contre toi. »

» Des larmes lui coupèrent la voix, et elle demeura immobile, dans une humble attitude, jusqu’à ce qu’elle eût obtenu le pardon et la paix de son mari.

» Le cœur d’Adam se remua et s’amollit pour celle qui était naguère sa vie et ses délices, et qui maintenant était prosternée à ses pieds dans l’angoisse ; créature si belle, implorant la réconciliation, le conseil et le secours de celui à qui elle avait déplu !

» Tel qu’un homme désarmé, Adam sent fléchir toute sa colère, il relève son amante, et bientôt, avec des paroles de tendresse : « Lève-toi, dit-il, toi, la source de tout ce qui doit vivre ! etc… »

Sous de tels accents, on ne peut douter qu’il n’y eût un cœur ardent et tendre pour la femme dans la poitrine de Milton. Ce sont les plus beaux et peut-être les seuls véritablement sympathiques de son poëme. Le reste est imaginaire, fanatique et froid comme la théologie. On ne construit pas une épopée avec des machines poétiques, mais avec des sentiments. Le tort du Paradis perdu, c’est d’être une Bible en vers et non un drame humain, excepté dans ce que nous venons de citer.

M. de Chateaubriand, qui a traduit Milton, a placé le Paradis perdu au niveau d’Homère et des épopées primitives de l’Inde, de la Grèce, de Rome.

L’illustre traducteur voulait démontrer par l’exemple ce qu’il avait établi dans le Génie du christianisme, sa plus belle œuvre, que la religion chrétienne était la plus pathétique et la plus sublime des poésies. C’était le paradoxe d’une réaction qui dépassait la vérité. Le christianisme est la philosophie de la douleur, c’est là sa beauté ; elle sèvre rudement l’homme de tous les songes ; elle lui présente