Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 36.djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
FÉNELON.

la grandeur d’âme, c’était l’orgueil. Mazarin lui avait appris à mépriser les hommes et à croire au caractère divin de son pouvoir ; il y croyait, c’était sa force. Son idolâtrie envers lui-même servait d’exemple à l’idolâtríe qu’il commandait et qu’il respirait dans sa cour. Il avait appris de plus, de ce premier ministre, le plus pénétrant des hommes d’État, à bien discerner la valeur des hommes. Bien régner, pour Louis XIV, ce n’était qu’être bien servi. Il se trompait rarement sur le mérite de ses serviteurs. Son royaume n’était que sa maison, ses ministres n’étaient que ses domestiques, l’État que sa famille, son gouvernement n’était que son caractère.

Ce caractère de Louis XIV, orné seulement à l’extérieur d’un reste, de chevalerie des Valois, qui décorait en lui l’égoïsme, et dans sa cour la servitude, n’avait de grand que la personnalité. Il pensait à lui, il était né maître, il commandait bien, il était poli dans la forme, sûr dans les relations politiques, fidèle à ses serviteurs, sensible au mérite, aimant absorber dans ce qu’il appelait sa gloire les grandes renommées, les grandes vertus et les grands talents. Les longs troubles apaisés, les guerres civiles éteintes, la paix renaissante, la langue formée, la nature plus féconde après les orages, faisaient de la date de son règne la date du génie de la France dans les lettres, dans les arts ; il profitait, en homme heureux et digne de son bonheur, de ce bénéfice des temps, il l’accroissait en l’encourageant par ses munificences et par sa familiarité, il accueillait bien tout homme de génie comme un sujet de plus.

Quant à la religion, il en avait deux : une toute politique, qui consistait à remplir littéralement, et au besoin par la violence, son rôle de roi très-chrétien, fils et licteur couronné de l’Église. L’autre, toute privée, héritée de sa mère, imitée de l’Espagne, scrupuleuse de conscience,