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FÉNELON.

causé un très-sensible. Votre père (le marquis Antoine de Fénelon), un ami de si grande vertu et si cordial, m’est revenu dans l’esprit. Je me suis représenté comme il serait à cette occasion, et à un si grand éclat d’un mérite qui se cachait avec tant de soin. Enfin, madame, nous ne perdons pas notre ami, vous pourrez en jouir ; et moi, quoique éloigné de Paris par mes fonctions, je m’échapperai quelquefois pour aller l’embrasser. »

On sent dans ce billet tout un homme : la joie sans envie d’un maître qui se sent grandir dans son disciple ; le souvenir d’une antique amitié avec le chef de la race qui remonte au cœur, et qui voudrait rouvrir le tombeau pour féliciter les morts ; enfin, la tendresse virile du père qui aura besoin dans sa vieillesse de revoir quelquefois son fils. Bossuet avait le cœur quelquefois endurci par la polémique et enflé par l’autorité du pontife ; mais il avait le cœur pathétique. Sans cette sensibilité, il aurait été rhéteur, comment aurait-il été éloquent ? D’où lui seraient venus ces accents qui fendent l’âme et qui arrachent des cris et des pleurs ?

L’autre ami de Fénelon, l’abbé Tronson, le directeur de Saint-Sulpice et le confident de son âme, lui écrivit une lettre de félicitation inquiète et tendre, où la crainte se mêlait à la joie :

« On vous ouvre la porte des grandeurs terrestres, lui dit ce saint homme, mais vous devez craindre qu’on ne vous la ferme aux solides grandeurs du ciel… Vos amis vous rassureront, sans doute, sur ce que vous n’avez pas recherché votre emploi, et c’est assurément un grand sujet de consolation ; mais il ne faut pas trop vous y appuyer. On a souvent plus de part à son élévation qu’on ne pense. À son insu, on ne manque guère de lever les obstacles. On ne sollicite pas les personnes qui peuvent nous servir, mais on n’est pas fâché de se montrer à elles par les beaux